Last Works

New Babel

D’une tour émergeant des flots surgissent nombre de personnages qui pour certains restent dans la tour dans un état de sidération, pour d’autres se dispersent dans la mer dans une danse extatique, ou pour le plus petit nombre reprennent pied dans l’ascension d’une montagne proche, dans un mouvement souligné et presque anticipé par un défilé d’oiseaux blancs.
Ce travail est à la croisée de deux cultures : le récit biblique de la Tour de Babel, dans le double mouvement d’ascension et de chute préludant à la fragmentation de la langue originelle… puis la danse japonaise Butô née de l’explosion atomique d’Hiroshima, danse créée pour dire l’indicible. Ce langage du corps se passant de mots dit la chute, dit la souffrance, dit l’humilité, ethymologiquement parlant s’agissant de corps anéantis, couverts de terre, d’humus, plus bas que terre…
Ainsi défier Dieu fragmente le langage en organisant l’incompréhension, défier l’Humanité peut rendre muet…
Le récit biblique se joue du temps qui passe et se réactualise toujours quelque soit le contexte. Les métaphores sont légion pour décrire l’action humaine et ses conséquences spirituelles.
Le phénomène contemporain réside dans les rapprochements fulgurants consécutifs à la civilisation technologique et à la mondialisation, lesquels semblent rapprocher les peuples par une efficacité de partage inédite aussi bien que par une diversité s’amenuisant chaque jour un peu plus…
L’image est aujourd’hui le vecteur le plus efficace de ces processus en organisant un partage instantané. Le langage fragmenté, la sidération muette se fondent dans l’image, dans la tentative de reconstruire la langue universelle et originelle. Les tendances s’uniformisent, les produits se retrouvent identiques aux quatre coins du monde, les gens, en lieu et place d’un esperanto jamais véritablement né, baragouinent un anglais de plus en plus appauvri, de moins en moins « différencié ».
Mais l’image, comme toute production humaine, n’échappe pas à la double interférence du Bien et du Mal. En effet la vision se révèle aussi complexe dans l’interprétation que les mots échangés. L’apparente nouvelle unité aura donc à subir les mêmes défis, la même exigence pour distinguer l’illusoire du vrai.
Le travail n’est pas fini, l’Histoire continue son chemin… ainsi gravir la montagne et non pas la Tour semble toujours d’actualité.
Michel Kirch

new babel.jpg » New Babel », 106×160 cm